J'ouvre les yeux, et l'éclatante lumière de dehors me perce la vue. Je les referme aussitôt, tout en prenant mon second coussin et en le plaçant sur ma tête. Ca fait des années que je me le dis mais c'est décidé, demain, j'rai m'acheter des rideaux ! Enfin non, je n'aurais même pas à les acheter étant donné qu'on en a plein à la boite, je n'aurais qu'à me servir, avec l'accord de Charlotte bien évidemment. Oui, vous devez vous dire que je suis pathétique, voilà des années que je travaille dans une boite de textiles et je n'ai jamais pris le temps de mettre des rideaux aux fenêtres de ma chambre, quitte à m'en plaindre tous les matins. Bref, il est temps pour moi de revenir à la dure réalité et de m'extirper de mon lit direction la douche. Je fais pas partie des filles qui aiment se bichonner pendant des heures interminables dans la salle de bain, voilà pourquoi je fus vite prête. N'ayant non plus pas le courage de soigner mes cheveux corrdctement, je les attachai en une queue vite faite, laissant retomber ma mèche de devant. Voilà, j'étais prête et maintenant, je fais quoi ? On es samedi, et je devrais en profiter pour faire ce que je veux, me reposer, voir du monde. Le problème, c'est que je n'en ai aucune envie. Callen est bien trop occupé à régler ses histoires d'amour et Charlotte ... Tiens, c'est vrai, Charlotte. Elle ne devrait pas être fort occupée étant donné qu'elle a carrément laissé tomber. « Mais c'est pas vrai, comment est-ce possible d'être aussi conne ?! » lâchais-je à voix haute. Je me sentis alors comme je sais pas, inconsciente de la laisser seule dans un moment pareil. Evidemment qu'elle avait besoin de moi, mais n'en avait-elle pas marre que je sois aussi sans cesse sur son dos ? Callen me l'a déjà reproché, alors pourquoi pas elle. Peut-être qu'elle n'ose simplement pas me le dire.

Après avoir tourné en rond dans mon salon pendant une trentaine de minutes, pesant le pour et le contre d'aller la voir, je me décidai finalement à l'appeler. Au moins je pourrais le lui demander et puis au pire, je discernerai bien dans sa voix si elle s'en sort ou non. Satisfaite de mon plan, je pris mon portable et composai son numéro. Il ne fallut pas plus de trois secondes pour que je tombe directement sur sa messagerie. Laisser un message ? Quelle mauvaise idée. Le fait que son portable soit coupé signifie automatiquement que ça ne va pas. Ni une ni deux, je pris ma petite veste en cuir, mis mes bottes noires, pris mes clés et sortis de chez moi pour mettre le cap à son loft. Je ne mis pas plus de dix minutes à pieds à faire la liaison entre chez elle et chez moi. Après avoir monté trois étages, j'arrivai enfin à sa porte et décidai de sonner, mais sans réponse. « Charlotte, c'est moi, t'as vraiment décidé de te couper du monde ou quoi ? »

Encore une nuit quasiment blanche. J’avais passé la majeure partie du temps à contempler mes cartons et à me demander ce que je ferais sans lui. Ce que je ferais sans Mikhaïl… on se complétait, parfaitement. Mes défauts, il les complétait par ses qualités, et mes qualités complétaient ses défauts. Vivre seule, loin de lui, était un déchirement, et je n’avais qu’une envie : tout oublier, retourner frapper à la porte de notre ancien appartement et me jeter dans ses bras, en murmurant que je l’aimais et que je le pardonnais, pour tout. Seulement, je ne pouvais pas le faire. D’un côté, parce que je n’avais pas envie de passer pour la fille naïve qui retourne vers son mec qui l’a trompée, s’il m’avait trompée, et de l’autre parce que je n’avais pas assez de courage pour bouger mon cul, m’installer face à lui et l’écouter me dire ce qu’il s’était exactement passé. Voilà, j’avais passé ma nuit à penser à cela, sans même me rendre compte que les larmes coulaient. Mon loft paraissait terriblement vide, trop vide pour que j’y vive bien. J’avais toujours pensé qu’emménager ici serait un nouveau départ qui me ferait passer à autre chose, mais ce n’était pas le cas. C’était trop dur, trop douloureux, tout simplement. Et il était hors de question que je réveille Meghan, ma meilleure amie, en pleine nuit pour lui raconter tous mes soucis. Je l’avais déjà assez saoulée avec ça. Contemplant mon portable à la recherche d’une personne à appeler, j’avais fini par retomber sur de vieux messages de mon ex fiancé. Et, de rage, j’avais fini par éteindre mon téléphone pour cesser de rester scotchée à ces petits mots qu’il m’envoyait sur mon portable quand on devait se séparer plus d’une heure. Dire que ça faisait dix mois maintenant qu’on n’était plus ensemble…

J’étais tombée endormie dans le sofa le matin suivant alors que le soleil commençait tout juste à se lever. Je n’avais pas ouvert un seul de mes cartons, et pourtant, ils s’empilaient devant moi. J’étais minable, et dans un état désastreux, mais je n’arrivais pas à y faire quoique ce soit. Et dire que j’avais pensé à tout oublier et à passer à autre chose. J’en étais tout simplement incapable, parce qu’il était l’homme de ma vie et que je le savais. Je ne me voyais pas me réveiller dans les bras d’un autre, ni rejoindre quelqu’un d’autre à l’autel le jour de mon mariage, ou partager une naissance heureuse avec un autre homme. De toute façon, je ne voulais rencontrer personne d’autre. De un, parce que j’avais trop peur de me mettre à souffrir une nouvelle fois, de deux parce que je savais que ce serait remplacer Mikhaïl et que, pour l’instant, je ne pouvais tout simplement pas.
La sonnerie stridente de la porte d’entrée résonna dans le loft, et je grommelais dans mon sommeil, bougeant un peu, quoique j’étais déjà bien mal installée. Je comatais, entre le sommeil et l’éveil, et soupirais en essayant de retourner dans les bras de Morphée : j’avais bien trop peu dormi. « Charlotte, c'est moi, t'as vraiment décidé de te couper du monde ou quoi ? » ; Meghan, ma meilleure amie. Cette fois, je me forçais à émerger de mon sommeil, et m’étirais doucement avant de me lever, toujours habillée comme la veille, comme quand je l’avais quittée après une séance de shopping, en jeans et chemisier blanc. J’ouvrais la porte, passant une main dans mes cheveux. « Non. Je dormais… t’en fais pas pour moi, je ne compte pas me suicider dans un futur proche. » ; je donnais dans l’humour noir ces derniers temps. Je savais que j’avais une tête à faire peur, mais elle m’avait déjà vue comme ça de nombreuses fois. Ici, c’était accentué par le fait que je n’avais dormi que trois petites heures. « Allez, entre… » ; je m’écartais de la porte et refermais cette dernière une fois que ma meilleure amie fut entrée. « À croire que tu sens quand ça ne va pas… » ; je savais pourquoi elle était là… je m’en doutais du moins. Et je lui en étais toujours reconnaissante.