« I need you » Des mots qui m'ont à peine effleuré, qui m'ont à peine touché. Pourtant, j'étais tombé amoureux d'elle, et ce, bien plus que je ne saurais l'accepter. D'un regard, un seul, elle m'avait envoûté, m'avait réduit à être son esclave, chose que je ne pouvais tolérer. D'une fierté que je ne saurais contrôler, je n'avais su lui pardonner le fait qu'elle retrouve son ex en secret, même pour lui parler simplement. Cette main qu'elle avait saisie, tandis que ses yeux vert m'imploraient de rester, je m'en dégageais, tandis que je l'observais froidement, blessé. Je ne pouvais l'accepter et je partis donc sur ces quelques supplications, me repliant sur moi même tandis que l'amer goût de la trahison continuait à narguer mes papilles. Je n'avais certes pas l'intention de la quitter, du moins, à ce moment là. Je souhaitais simplement m'éloigner quelques temps, le temps de faire mon école de police et de digérer le fait qu'elle pardonne à cet homme épousé trop jeune, qui s'était amusé à la frapper et la violenter. Je m'étais battu pour qu'elle le considère désormais comme son meilleur ami. Trop incompréhensible pour que je le comprenne et l'accepte. « Nathan! » Malgré sa voix, je m'éloignais, quittant le parc et lui tournant le dos. Je ne savais simplement pas que là était la dernière fois que je la reverrais.

Mes doigts armèrent l'arme tandis que je visais la cible quelques mètres devant moi. Ballante, elle m'offrait ainsi une difficulté en plus, mais c'est avec facilité que je tirais. Un trou béant se ficha dans la tête de carton de l'homme à abattre, et j'abaissais mes lunettes avant de reculer, rangeant ce que je considérais davantage comme un jouet facile à manier que comme une arme à feu. Retirant également le casque qui me protégeait du son violent des coups de feu, je quittais la salle avant de rejoindre la cour centrale. Un de mes collègues et amis s'approcha alors, portant une lettre au creux de la main, qu'il me remit avec le sourire. « Toujours à t'entrainer? » Bien qu'apprécier en tant qu'homme, ils avaient plus de mal avec le soldat qui préférait le travail aux loisirs. Ce qu'ils ne pouvaient comprendre. Je fis un signe de tête amusé avant de décacheter et de lire les quelques mots. Mon visage pâlit, tandis que je le laissais sur place, courant jusqu'à ma voiture pour la démarrer avec violence. Ce papier, officiel, me convoquait à la morgue pour identifier un corps qu'on disait être celui de Rubis. Fonçant sur la route, évitant les embouteillages new-yorkais, je rejoignais la morgue principale, exhibant le feuillet pour rejoindre impassible le lieu où devait se trouver le corps. Un médecin se trouvait sur place, et bien que m'étonnant d'être celui appelé, je me fixais sur ce corps étendu sans un mot. Pris par mes souvenirs.

J'avais croisé son regard à mes dix huit ans, tandis qu'elle sortait du lycée privée dans lequel elle avait été placée par ses parents, accompagnée de deux de ses amis. Son regard m'avait troublé, car loin d'être insouciant, il reflétait une souffrance que je n'avais su saisir. Je ne l'avais jamais remarqué, mais sa beauté à la fois fragile et forte était d'une réalité saisissante. Beau parleur, doté d'une peur inexistante, j'étais allé l'aborder, dans le seul but d'assouvir une curiosité insatiable. Effleurant ses doigts, je portais sa main à mes lèvres avant de me présenter avec une voix chaude et non dépourvue d'intérêt. Mais elle se libéra avec souplesse, avant d'affirmer d'une voix forte, voir glaciale. « Je ne sais pour qui vous vous prenez, mais je ne suis pas libre. » Bien qu'empreinte de conviction, sa voix demeurait fragile, et ses yeux me prenaient à partit. Surpris et stupéfait, je la regardais s'éloigner, sans comprendre son comportement ambiguë. Mais une de mes ex, également de ses amies, me mit rapidement sur la voie. Son fiancé, car à ma plus grande des stupéfactions, elle l'était malgré son jeune âge, l'emprisonnait dans un cercle de jalousie et de pressions psychologique. D'ordinaire, je m'en serais désintéressé. J'étais réputé pour mon charme, mon physique, mais également par mon absence de compassion à l'égard des autres. J'étais froid, hormis avec ceux qui m'étaient proches, et je ne connaissais la définition de l'empathie. Mais cette femme m'avait troublé de telle façon que je ne pouvais me résoudre à abandonner. De curiosité, mon sentiment se mua en passion.Mais je ne pouvais me douter que c'était un mariage arrangé, et protégé par ses parents. Cependant ma famille était tout aussi respectable que la sienne dans cette ville, et les rencontrer ne me fut pas difficile. Ses parents, bien connus des miens, ne firent aucunes difficultés pour nous inviter, au grand dam de la demoiselle. La prenant à part ce soir là, ce fut notre première conversation... bien trop longue pour être reporté. De méfiance et d'amertumes, elle finit par se confier difficilement, révélant qu'elle l'aimait malgré ses défauts. Mais de moins en moins, son désir de se marier avec cet être s'évaporant au fil des heures. Mes sentiments pour elle se développèrent, et malheureusement, il en fut autant d'elle. Histoire interdite à l'instar de Roméo et Juliette. Mais l'époque des mariages arrangés étaient révolus, et la jeune femme n'avait aucune obligation, la seule conséquence engendrée par un refus étant de décevoir ses parents. Quelques semaines lui suffirent pour présenter une nouvelle alternative, un nouveau fiancé qui ne put les décevoir. Mais je ne m'attendais certes pas à ce qu'il tente de la violer la nuit suivante. Je revois encore son corps perché sur elle, j'entends encore ses cris, j'entrevois de nouveau ce sourire abject lorsque je le dégage pour lui péter sans remord la figure. Stéréotypé? Sans aucun doute. Quelques mois après, il s'excusait auprès d'elle, et ils devinrent deux meilleurs amis, tandis qu'elle m'assurait qu'il avait changé. Je l'avais quitté ce soir là, et je m'étais évaporé pour suivre mon école de police. Mais elle avait quitté New York à mon retour, et je m'étais rabattu sur l'armée.

Battant quelque peu des paupières, chassant ces souvenirs amer, je regardais ce visage aussitôt dévoilé par le drap. Son visage. Je refoulais ces larmes que je ne pouvais supporter, tandis que je m'approchais d'elle, quêtant sur ses traits une trace de vie évaporée. Je hochais la tête, le visage sombre, le coeur étreint par la culpabilité. Si je ne l'avais pas laissé ce jour là, son destin aurait peut-être été différent. « Elle a été battu à mort par son mari, Jason Lagerfielt » Mon regard s'éteint. Pourquoi considérais-je ce drame comme étant de ma responsabilité, et ce cinq ans après? Pourquoi cette sensation de l'avoir abandonné? Je ne vis guère les jours suivant s'écouler, l'enterrement et ces quelques formalités. La ville me faisait désormais horreur, les routes goudronnées, les splendeurs d'une capitale mondiale financière ne me rappelait que ce dont j'étais responsable. Ma décision fut rapidement prise, tandis que je demandais ma mutation pour une ville, ailleurs. Je tombais sur Porland, et ne pris guère de temps avant de déménager, quitter, et tourner la page définitivement sur un passé que je ne pouvais que fuir. Bien que l'on ne pouvait tout fuir.

J'y vis déjà depuis quelques mois, dans un appartement aussi froid que je pouvais l'être, bien que la lumière contrastait avec ma propre obscurité. M'abrutissant par le travail, je ne remarquais guère les nouveaux visages, et je ne m'intéressais pas plus à cette connerie d'agence qui s'était installée pour faire je ne sais quelle échange. Rien ne m'intéressait vraiment. Cependant, je m'étais fait des amis, assez pour m'amuser à faire quelques conneries, tandis que j'attends la possibilité de pouvoir oublier pour de bon.